Second discours prononcé à la manifestation des Pas Sages, devant Radio-Canada:
Kuei kassinu. J’aimerais commencer en remerciant les personnes qui ont organisé cette manif et tout le monde qui s’est pointé. Mak min, milu-tshishikau kashikat, tshinishkumitin tshishe manitu ut ne.
Là, scusez moi si ma voix craque, après un an d’attente, je viens de commencer la testo, je suis sûr que les autres transmascs ici vont relate. Tsé, même si, selon radio-canada, tu peux y avoir accès en 2 minutes, on le sait ben, nous, à quel point le processus est long, chiant pis difficile.
J’aimerais ça dire que je suis content de vous voir aujourd’hui, mais honnêtement, j’aurais tellement aimé mieux qu’on ait pas à vivre ça. Aujourd’hui, je suis là, devant vous, parce que je suis en colère. Parce que je suis triste. Mais surtout, j’ai mal.
J’ai repensé beaucoup à Nex ces derniers temps. Ce jeune 2-spirit qui avait toute sa vie devant lui. Mais qui, au lieu, a été tué par la transphobie.
Des jeunes qui ont connu le même sort, y’en a plein d’autres. Trop pour pouvoir compter. Je pense à tous ces gens qu’on a perdus à cause cette transphobie nourrie par l’état, qui tente de nous tuer à petit et grand feu.
Nex, iel est mort.e en protégeant son ami. En voyant ça, je peux pas m’empêcher de penser à toutes les fois où je suis allé, comme lui, à la salle de bain accompagné par des ami.e.s, par peur de ce qui peut m’arriver. Je suis sûr que ce sentiment, vous le connaissez aussi.
Oui, on peut dire que « c’est la faute des states » ou « que c’est pire là-bas », mais quand je regarde ce qui se passe ici, ça varge pas haut non plus. Ça fait des mois que ma peur monte, que je me demande si je vais perdre un.e ami.e, si moi aussi jvais finir par vouloir tout lâcher parce que c’est trop rough partout. Ou encore, si un.e ami.e ou moi va finir battu.e à mort dans la rue, dans une toilette, chez eux, parce qu’iel a fait confiance à la mauvaise personne.
La semaine passée, je parlais à ma mère du fameux comité des sages. Avec elle, comme avec tout le monde avec qui j’en ai parlé, la constatation reste la même : comment ça se fait que ce soit des vieux transphobes qui décident pour NOS vies?
Quand on est two-spirit, en plus, on vit, je dirais, une triple discrimination. En tant qu’autochtone, en tant que queer – si on veut le dire dans les termes coloniaux – , mais aussi parce que nos identités fit pas dans ce qui est pris en compte dans les critères du colonisateur. Si magiquement, les trois vieux cis qui sont supposés décider des vies des personnes trans finissent par prendre des décisions qui ont un minimum d’allure – ce dont je doute très fort – pensez-vous vraiment qu’ils vont penser à nous? Of course not.
Encore une fois, ça va être quelque chose trop compliqué à gérer pour eux. Pour ne pas dire : ils vont s’en crisser. Encore une fois, on va être laissé.e.s de côté.
Les décisions liées à l’identité devraient non seulement être prises par des personnes concernées, mais j’ajoute que ça se doit d’inclure toutes les perspectives, y compris les nôtres. Je peux pas parler au nom de qui que ce soit, je suis juste un jeune transmasc 2-spirit parmi tant d’autres, mais je crois pas me tromper en disant qu’on est à boute d’être pas respecté.e.s, pas compris.e.s, mis.e.s à part pour pas à avoir à nous « gérer ».
On est là depuis longtemps, plus longtemps que vous pouvez vous l’imaginer. Nos identités, toutes diverses, ont passé d’identités qui étaient respectées et célébrées comme des dons de tshishe manitu à des identités qu’on a dû cacher par survie. Pis quand on s’assume, c’est dangereux pour nous. Pis tout ça, je suis à boute. Je veux qu’on ait le droit d’être, tout simplement, comme NOUS on le veux. Je veux qu’on se célèbre. Je veux pas que ce soit une gang de settlers qui décident pour nous. Je l’ai dit au début, j’ai mal, je suis en colère et ces émotions, celles qu’on vit tout.e.s ici, tout le monde qui fit pas dans leur moule de cis-hétéros blancs, ben il est grand temps qu’elles se transforment. Pas juste en fierté, mais en révolution.